Promenade domicale: sous le signe de la tendresse

En ce dimanche, je commence la matinée au lit (!). J’écoute l’entrevue de Joël Le Bigot avec Jacques Languirand. Une de ses maximes, qui rejoint le leitmotiv de Curieuse d’idées:

La seule chose stable dans la vie, c’est le changement.

Plus tard, je me rappelle que j’ai rendez-vous avec Zep. Son Carnet intime m’attend à la Banq. Le plan est de passer le chercher puis de passer l’après-midi dans un café en sa compagnie. Plus tard, j’irai voir Tendresse au Cinéma Beaubien. Bon plan du dimanche.

Je passe donc à la bibliothèque et je prends illico la direction de la station Beaubien. Par ce dimanche d’hiver doux, je marcherai entre Saint-Denis et le cinéma, question de me lester des courbatures et des douleurs que les dernières semaines de travail ont laissées dans mon corps, notamment cette semaine-ci. Le temps est doux; il a neigé hier soir. Les coins de rue sont des mares et je regrette de ne pas avoir mis mes super bottes Bogs, qui me ramènent en enfance et me permettent de marcher avec entrain dans ces flaques de gadoue. Je m’amuse tout de même à les enjamber, ce qui contribue d’autant plus à ramener le mouvement dans ce corps ankylosé.

Rue Beaubien, j’observe les commerces. Je connais peu cette rue et je suis à l’affût d’un petit endroit pour prendre une soupe. J’ai peu d’appétit ces jours-ci. Je vais jusqu’au parc où des patineurs s’amusent. Je m’arrête finalement au De froment et de Sève, bondé. Je trouve une place au comptoir face à la rue. Le service est lent, mais je ne suis absolument pas pressée. J’ai tout mon temps et puis Zep me fait une agréable compagnie. Après avoir vérifié auprès de mon voisin si on avait le service au comptoir ou s’il fallait aller nous-même commander à la caisse, celui-ci me lance:

Vous êtes belle… avec vos cheveux.

Je l’ai remercié du compliment, mais je ne sais qu’en penser. J’ai commandé un intrigant potage betterave et framboise, servi avec deux petits croutons de pain, l’un au lait, je suppose, et l’autre aux noix. La soupe est renversante. Je la recommande chaudement à mes voisins. Pendant ce temps, je feuillette Carnet intime. Un carnet d’aquarelles de différents pays visités, dont deux clins d’oeil au Québec, l’un de Joliette, l’autre de ma rue, à quelques pâtés de maisons de chez moi. Ses points de vue de Porquerolles, de Paris me ramènent à l’année dernière. De même pour Genève, Bruxelles, Venise, un peu de temps avant… Ces aquarelles sont finement exécutées, en une demi-heure semble-t-il. Les touches de couleurs sont parfois vives, parfois à peine teintées. Le trait est franc, vif. Le point de vue, souvent touchant. La surprise, ses réflexions en prime.

Je dessine les arbres comme d’autres vont à la messe.

Je suis fasciné par ce moment où la nature reprend possession des constructions humaines.

J’ai compris plus tard que ce que j’aimais, c’était le regard de l’artiste qui transformait le réel.

Je commande un cappucino et je me dirige vers le Cinéma Beaubien pour aller voir La tendresse. Un film belge relatant un road movie effectué par un couple séparé, mais dont subsiste une ancienne complicité. La tendresse est perceptible entre eux, mais aussi entre la mère et le fils, mais aussi, autrement, entre le père et le fils, entre le fils et sa flamme naissante, entre un camionneur qui vient à la rescousse de la femme au péage, puis un autostoppeur. La tendresse est aussi celle entre les peuples. Au père, un brin xénophobe, le fils répond (de mémoire):

Ce qui serait vraiment épouvantable c’est que plus personne ne vienne en aide à personne.

La tendresse, c’est même celle ressentie à la vue du paysage. Les premières scènes de la montagne et de la neige dont les motifs ont été sculptés par le vent, et le bruit de la planche à neige, calme et discret dans cet océan de plénitude. Pas un grand film, pas un mauvais film, mais le film parfait pour ce dimanche après-midi, en parfaite harmonie avec mon état d’esprit.

Une soupe tonkinoise chez Pho Bang New York, c’est tout ce dont je rêve pour terminer cette escapade. Savoureuse, généreuse. Des crevettes, toujours impeccables, des légumes croquants (je me passerais des mini-carottes qui goutent davantage l’eau que la bétacarotène). À ma table, de vieux vietnamiens qui mangent leur soupe; je les épie pour voir les sauces qu’ils mettent en assaisonnement et la façon de manger nouilles et boire bouillon. Les voir me ramène à l’article de Josée Blanchette de vendredi passé sur les vieux: Gérontophile dans une société âgiste. Je fais partie des personnes dont la vieillesse s’annonce tristement: femme célibataire sans enfant. Qu’est-ce qui m’attend? Blanchette y fait aussi un bref hommage à Languirand, qui quitte la barre de l’émission de radio Par 4 chemins, après 43 ans. La maladie d’Alzheimer vient de cogner à sa porte…

Pour l’instant, je termine Si ce livre pouvait me rapprocher de toi, de Jean-Paul Dubois, emprunté à mon voisin. J’aime bien l’écriture de Dubois. Ses histoires aussi. Des histoires ordinaires, mais emplies d’humanité. C’est le cas ici aussi. Paul dégringole… Il doute de sa qualité d’homme… et d’humain. Différents événements de sa vie lui feront réaliser l’amour qu’il a de la vie. L’amour de la vie. Tiens, c’était le sujet de la dernière émission de La grande librairie que j’ai regardée samedi soir en guise de récompense pour cette semaine où le travail a pris le pas sur la vie… bien qu’il me garde bien vivante, tant il est exigeant et stimulant.

Tout de même, cette petite escapade dominicale a fait grand bien. Physique et psychologie.

MàJ. 7 février 2014. De ma fenêtre de salon, je viens de voir un passant aider patiemment une automobiliste à tenter de sortir de la place de stationnement sur un sol glacé. Je ne sais pas comment je me serais sentie à me faire «conduire» de la sorte, mais de chez moi, j’ai interprété ça comme un geste de tendresse. La conductrice a réussi, l’homme l’a saluée, lui a souri et a repris son bonhomme de chemin.

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